















Manuten∫ions .2
L’arc, scène nationale Le Creusot - dans le cadre du dispositif Cura
18 février - 15 juin 2025
Avec Madeleine Aktypi, Jean Gfeller, Gilberto Güiza-Rojas, Randa Maroufi, Cally Spooner, Elsa Werth, Brigitte Zieger
Scénographe lumière : Serge Damon
Assistante curatoriale : Sarah Lolley
Dans le monde de l’entreprise, le mot ouvrier a été remplacé par celui d’opérateur, un terme flou, qui dissimule l’effort, amenuise le geste, édulcore le labeur. Le deuxième chapitre de MANUTEN∫IONS déploie des pensées en lutte. Le geste du travail, présenté à la façon d’un kaléidoscope d’œuvres à l’automne, devient en 2025, par glissement, un geste de révolte, une allusion aux rapports de force, aux tensions et aux identités qui se croisent.Que nous révèlent les visions d’ailleurs ? En parcourant l’exposition, nous sommes conviés à être plus que des témoins : nous devenons acteurs de la manutention, nous activons, nous imitons des gestes, nous développons des actions… Une action ne définit pas seulement le « faire » concret du corps en mouvement, mais désigne aussi un combat, un engagement. À travers des œuvres textuelles, photographiques, des installations et des vidéos, les artistes racontent d’autres visions du geste au travail, en annonçant les prémices des bouleversements à venir.
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Les temps forts de cette programmation fonctionnent comme un ensemble. Le propos se déploie en chapitres, les œuvres arrivent peu à peu au sein de L’arc pour surprendre les spectateurs. Selon un principe multiforme et multisite, MANUTEN∫IONS réunit des installations, des vidéos, des photographies, des dessins et des peintures, des sculptures et des performances. D’octobre 2024 à juin 2025, la salle d’exposition interagit en permanence avec l’extérieur, le hall du théâtre, les coursives, les bureaux et bientôt, l’espace public.
Que deviennent les mondes du travail et les modes de travail ? Les artistes nous guident vers des pistes, on voit tournoyer des mécanismes, on observe des mains en constellation, tantôt flottantes, tantôt en cadence. On perçoit aussi des souffles, des particules. Des éléments disparaissent, des rythmes s’accélèrent. On tourne en rond, on fait, on défait, on démembre, on reformule, on marche, on court, on roule, on répète, encore. On clique, on emballe, on pédale, on livre, on passe d’une fenêtre à l’autre. On voyage en solitaire depuis l’ordinateur figé et ses intelligences artificielles.
Le geste anime MANUTEN∫IONS, dont le propos s’appuie sur l’histoire industrielle, en dialogue constant avec l’environnement de L’arc encore entouré d’usines. La question du corps entre en écho avec les gestes du lieu : ceux des compagnies de passage ou ceux des travailleuses et travailleurs qui composent l’équipe du théâtre. Soudain, on voit les ouvriers s’affairer aux travaux d’aménagement et d’isolation du lieu, comme en résonance avec les MANUTEN∫IONS du programme artistique. Le mouvement du corps, disséminé dans les œuvres, tisse un lien étroit avec les fragilités du monde du travail qui secouent les mouvements sociaux : ubérisation, sous-traitance généralisée, conduisant à la précarisation systémique des personnes. Les gestes qui découlent de ces statuts divers, souvent invisibles ou dissimulés, sont toujours répétitifs et suivent encore les cadences d’un autre âge.











Crédits : Pauline Rosen-Cros / L’Arc scène nationale, 2025