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Rahima Gambo
Collection Frac Alsace
[NOTICE ŒUVRE]
Tatsuniya
2017
Vidéo, 7 min.
Avant de se consacrer aux arts visuels, Rahima Gambo est diplômée en photo-journalisme dès 2014, suite à un cursus en sciences économiques et politiques à New York et Londres. Elle reprend ses études d’art à la Royal Academy Schools de Londres jusqu’en 2025 et bénéficie d’expositions personnelles, comme en 2024 à Gasworks à Londres et en 2022 à la Kunsthalle de Berne ou à la Stevenson Gallery de Johannesburg. Ses œuvres ont été exposées au 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine, à la Biennale de Liverpool, aux Rencontres de la Photographie d’Arles, au MACAAL (Maroc), à la Biennale Mercosur (Brésil), à la Yokohama Triennale (Japon) et aux Rencontres de Bamako (Mali). Ses travaux appartiennent à plusieurs collections publiques comme le Musée National du Mali, KADIST collection et le Los Angeles County Museum of Art. Usant du registre documentaire, la pratique de Rahima Gambo se déploie sous la forme de photographies, dessins, films, sculptures et installations sonores. Elle propose une alternative à la narration documentaire et s’inspire de la psychogéographie, de l’écologie, des sciences sociales. Chaque projet revêt un aspect cartographique, sous de multiples formes et ramifications, souvent en collaboration avec d’autres personnes. Afin de mettre en place une méthodologie de co-création, l’artiste mène régulièrement des ateliers. Elle s’intéresse aux mouvements collectifs, aux corps qui interagissent. En tentant de déconstruire les récits dominants, Rahima Gambo forge une expérience documentaire plus immersive qui inclut le corps et l’esprit et s’émancipe du récit fixe et linaire.
Tatsuniya signifie "histoire", "conte" ou "énigme" en langue haoussa. Conçue avec une vingtaine de lycéennes, la série de photographies et de films prend racine à l’école publique Shehu Sanda Kyarimi, à Maiduguri (Nigeria). Rahima Gambo a visité ce lieu pour la première fois en 2015 dans le cadre de son reportage intitulé L’éducation est interdite. En 2013, l’école était l’une des cibles des insurgés du conflit de Boko Haram. Le film Tatsuniya ne revêt pas une forme journalistique : c’est une fable documentaire collaborative ponctuée par des archives et des témoignages. On y voit les élèves passer de la salle de classe à une forêt verte et dense. L’atmosphère onirique est rythmée par les jeux d’enfants, les exercices d'un livre d'éducation physique et les sons des insectes tropicaux. Pendant sept jours, les actions sont développées lors d’ateliers avec l’artiste. Depuis, le Tatsuniya Art Collective permet à ses membres de lancer des projets, discuter de leurs problèmes, trouver du soutien, des ressources. Sans relater les traumatismes liés au conflit, Rahima Gombo déploie une démarche intuitive : « En utilisant un cadre d'atelier comme point de départ pour faire les images, je voulais explorer davantage comment mieux collaborer avec les étudiants que je photographiais pour les intégrer en tant que participants au processus créatif. ». Tatsuniya constitue un exercice ouvert : par la mise en valeur du geste, du jeu, de la convivialité le film interroge les procédés documentaires classiques. Rahima Gambo s’inspire de la cinéaste vietnamienne Trin T.Minh Ha : « L'intention n'était pas d'aborder mon sujet directement […], mais plutôt de susciter la curiosité vers ce qui se passe autour du tournage de ces images. Les liens et frictions entre les participants et moi, les erreurs et des gestes de rejet lorsque la caméra continue d'enregistrer […]. Les résidus de cette énergie créative collective, où les lignes sont floues, les pensées continues et inachevées, constitue la forme essentielle de la série Tatsuniya en cours. ». Le film aborde les phénomènes insaisissables qui se produisent lorsqu’un groupe se rassemble. Tatsuniya évoque en filigrane le traumatisme infligé aux jeunes lors des conflits et les conséquences mémorielles qui s’ensuivent.
Élise Girardot, octobre 2024
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